Le Département des Sciences de l’Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts, « Beït al-Hikma », a organisé, le vendredi 05 décembre 2025, une conférence autour du thème «Le golfe de Gabès entre richesse biologique et pollution chronique. État des lieux des impacts sur l’écosystème et la santé humaine (1990-2025».
Présentée par Pre Amel Hamza Chaffai, spécialiste en écotoxicologie marine et membre de l’Académie, la conférence a été une occasion de discuter d’un thème d’actualité nationale d’une importance majeure en offrant une synthèse approfondie de trente-cinq années de recherches, d’observations de terrain et d’alertes environnementales concernant cette zone littorale tunisienne emblématique.
En ouverture, la conférencière a rappelé que le golfe de Gabès constitue l’une des régions marines les plus productives de la Méditerranée, reconnue pour la diversité de ses écosystèmes et pour son rôle crucial dans l’économie halieutique nationale.
Cette richesse coexiste, toutefois, depuis plusieurs décennies, avec une pression polluante intense, marquée par des rejets industriels qui ont profondément modifié l’équilibre écologique naturel. La pollution d’étant plus un phénomène ponctuel mais un état chronique dont les traces et les répercussions se lisent dans les sédiments, les espèces marines et les indicateurs de santé des populations riveraines.
En se basant sur l’évolution des données entre 1990 et 2025, Pre Amel Hamza Chaffai a montré comment l’intensification industrielle et l’absence de mesures de dépollution efficaces ont engendré une accumulation persistante de contaminants, notamment des métaux lourds et diverses substances chimiques. Au-delà de l’impact écologique, elle a, par ailleurs, insisté sur les implications pour la santé humaine. De nombreux travaux mettent en évidence des problèmes respiratoires, des troubles chroniques et un climat d’inquiétude sociale qui s’est renforcée ces derniers temps.
Le débat, modéré par Pr Hassen Amri, Professeur des Universités (Faculté des Sciences de Tunis), a permis d’approfondir ces enjeux en confrontant les analyses scientifiques aux préoccupations socio-économiques.
En conclusion, la conférence a mis en exergue l’urgence d’agir pour préserver un écosystème d’une valeur exceptionnelle, dont la survie dépendra de la capacité du pays à transformer les diagnostics accumulés depuis 1990 en décisions concrètes efficientes et durables.
Résumé :
Situé sur la côte sud-est de la Tunisie, le golfe de Gabès représente à lui seul 33 % du littoral national. Il se caractérise par des eaux peu profondes, des courants faibles, une salinité élevée et des marées exceptionnellement prononcées. Surnommé la « pouponnière de la Méditerranée », il abrite d’importants herbiers de Posidonia oceanica et de Caulerpa, véritables zones de frai, de nurserie et de refuge pour de nombreuses espèces marines.
Grâce à cette richesse écologique, le golfe contribue à près de 65 % de la production halieutique nationale et accueille une large part de la flotte de pêche tunisienne. Ses ressources, principalement benthiques, incluent des espèces à forte valeur commerciale telles que la crevette royale, le poulpe, la seiche, la palourde et plusieurs poissons benthiques.
Cependant, depuis les années 1990, cet écosystème subit une dégradation rapide et préoccupante, liée à l’intensification des activités humaines et industrielles (phosphates, chimie, tanneries, plasturgie). Parmi les impacts les plus marqués figurent :
- la régression des herbiers de Posidonie,
- la diminution de la production halieutique,
- la contamination chimique et microbiologique du milieu marin. Pour suivre et évaluer cette évolution, un programme national de surveillance a été instauré dès 1995, et qui s’articule autour de plusieurs réseaux :
• REMI : surveillance microbiologique ;
• REPHY : suivi des phytoplanctons toxiques ; • RECNO : surveillance des contaminants chimiques ;
• REBI : contrôle des biotoxines en cas d’alerte ;
• REPIDEMIO : suivi des parasites.
Malgré ces efforts, la multiplication des contaminants, leur complexité, leur persistance et l’ampleur de la pression anthropique maintiennent une situation alarmante, tant pour la biodiversité que pour les populations humaines riveraines. Cette conférence propose une synthèse de nos travaux de recherche menés sur le golfe de Gabès, depuis 1990, elle s’articule autour de deux volets :
(i) Les effets de la pollution sur la santé des organismes marins
À travers :
- des approches in situ, in vivo, in vitro et des expériences de transplantation in situ et in vivo
- la cartographie spatiale et temporelle de la pollution,
- l’analyse des réponses biologiques à différents niveaux d’intégration (organisme, tissu, cellule, molécule),
- la validation et l’utilisation de bioindicateurs et biomarqueurs de pollution. (ii) Les effets de la pollution sur la santé humaine
À partir de deux enquêtes épidémiologiques portant sur la relation entre l’exposition aux polluants et :
- les cancers des voies aérodigestives supérieures,
- les cancers de la vessie.
Revue de presse
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